95-02-08 Le Bikini
Toulouse, France
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same taper as 10/2/95 B-52. Excerpt of french review from article 'Get Your Soul Out' by Philippe Perret from the 18th issue (mars/april 1995) of the French music magazine L'INDIC (Philippe travelled in the tour bus with Jeff and crew for four of the february concerts 1995 in France): Mercredi 8 février - Toulouse Première étape le 8 février à Toulouse, la magnifique cité des bords de la Garonne. Ville étonnante tant par la richesse de son patrimoine (les innombrables bâtiments en briques roses, Le Capitole...) que par la jeunesse de ses habitants (plus de 110 000 étudiants !). Le Bikini, belle salle située dans la banlieue industrielle de Toulouse, affiche donc complet. Le public est jeune (hormis les "vieux" fans du père), connaît Grace par coeur et attend beaucoup de ce concert. La première partie est assurée mollement par les hollandais de Bettie Serveert qui, heureusement, quitteront, sans gloire, la tournée le soir-même. La tension est palpable dans la salle lorsque soudainement le public laisse échapper un cri de bonheur au moment où apparaissent Jeff et ses musiciens. Arrivé le plus simplement du monde, il capte immédiatement le regard et l'attention grâce à son extraordinaire charisme. Chevelure ébouriffée, regard habité, sourire désarment de naturel, aisance désinvolte : il existe une ressemblance troublante entre ce personnage et le Jim Morrison des débuts ! D'emblée, la salle est sous le charme. Buckley saisit un bottleneck et entame l'intro de Last Goodbye. Juste après, Dream Brother instaure un climat mystique avec ses intonations orientales et ses montées de tensions. Le texte évoque à mots à peine cachés le souvenir de Tim. Quelqu'un dans la foule crie : "Get your soul out !". Oui, c'est de cela qu'il s'agit. Buckley dévoile son âme. Non pas par exhibitionnisme complaisant mais plutôt pour évacuer un trop plein d'émotion et le faire partager. Vient ensuite So real. Puis, Jeff se lance dans une longue introduction où se mêlent chant aérien et arpèges éthérés et attaque brutalement Mojo pin. Le morceau s'élève jusqu'au final où sa voix est au bord de déchirure. Aux premières notes de Grace, les gens manifestent leur plaisir. Ce titre, après ses passages répétés à la radio et à la télé se révèle être un "hit" inattendu. La version live diffère peu de la version studio. Lilac wine débute sur une suite d'accords dissonants et torturés avant de retomber sur le climat en apesanteur de la version de l'album. Jeff s'approprie avec une grande facilité ce chef d'oeuvre de Jonas Shelton (un illustre inconnu) qui a été popularisé par Nina Simone. What will you say, un nouveau morceau qui déçoit un peu. La mélodie est facile et l'émotion semble un peu forcée sur ce titre, en retrait par rapport au reste du répertoire. Eternal life apparaissait sur le Live at Sin-é dans une version dépouillée et avait déjà été durci sur Grace. Sur scène, il devient carrément sauvage. Impressionnant ! Hallelujah est un des titres les plus attendus du public. Sur cette chanson de Léonard Cohen empreinte d'une grande spiritualité, la voix de Jeff Buckley atteint des sommets de pureté. Un ange passe... En rappel, nous aurons droit à un autre inédit, un morceau qui ressemble assez au Cure - période Disintegration. "Nous jouions à Vancouver et il y avait une pression pour que nous enregistrions une face-B. Nous avons travaillé sur une idée de Michael. Mais la chanson n'a pas de forme définitive, nous la modifions chaque soir. Je n'ai pas vraiment le temps d'écrire en tournée. Non... seulement des petits bouts de mélodie, de riff, de texte, quand j'arrive à m'isoler quelques instants. Par contre, le fait de beaucoup voyager apporte des idées particulières et renouvelle mon inspiration". Le concert se termine sur l'hypnotique Kangaroo d'Alex Chilton et Jeff Buckley quitte la scène, sous les acclamations du public, conquis. Dans la loge, deux groupies essayent vainement le séduire. Il les éconduit poliment, restant en toutes circonstances aimable et attentif à tout ce qui se passe autour de lui. Il m'apprend qu'il vient de refuser la première partie de la tournée Page/Plant. "Je ne jouerai jamais dans les stades... Tu me vois chanter "Lilac wine" devant les hard-rockers ! Non, c'est impossible. Mais c'est un honneur et une chose incroyable qu'ils me l'aient proposé". Visiblement, il a du mal à réaliser l'engouement phénoménal dont il est l'objet et il semble désorienté par cette vie épuisante, privée de repère qu'il mène actuellement. "Le contrôle de ma vie m'échappe un peu. On me dit quand je dois me lever, où je dois aller, à qui je dois parler, on me donne de la norriture qui ne me plaît pas forcement... Je rêve parfois de pouvoir aller dans un magasin, de m'acheter un morceau de pain et de faire mon propre sandwich ! Pour ne pas déprimer, je dois me concentrer sur la seule chose qui m'intéresse vraiment : jouer !". Epuisé, il prend congé de nous et se dirige vers le bus où une courte nuit de sommeil l'attend.